Affaire du 8 décembre

2018 - ?
Sommaire

Le 8 décembre 2020 plusieurs perquisitions ont eu lieu à travers le pays et neuf personnes ont été arrêtées[1]. L'une de ces personnes, Libre Flot, était surveillée par les services de renseignement français depuis 2018, lorsqu'il est revenu en France après avoir passé quelques mois au Rojava[2]. Les huit autres personnes ne se connaissaient pas toutes entre elles mais connaissaient toutes Libre Flot. Après les arrestations, neuf personnes (dont Libre Flot) ont été accusées de faire partie d'une association de malfaiteurs terroriste qui planifiait des attaques contre des institutions françaises.

Pour identifier les numéros de téléphones utilisés par certain·e·s des inculpé·e·s, les enquêteurs ont analysé les corrélations entre différents ensembles de données, obtenus via[3]:

Certain·e·s des inculpé·e·s ont fait de la détention préventive, avec des durées allant de 4 à 16 mois. Libre Flot a été détenu à l'isolement pendant 16 mois.

Lors d'un procès en 2023[4] :

Techniques utilisées

NomDescription
Collaboration des fournisseurs de service
Opérateurs de téléphonie mobile

Les enquêteurs ont utilisé la collaboration des opérateurs de téléphonie mobile pour géolocaliser en temps réel les téléphones des inculpé·e·s et de leurs proches et pour enregistrer des conversations téléphoniques non chiffrées[3]. Notamment :

  • Dans un cas, les enquêteurs n'arrivaient pas à déterminer le numéro de téléphone d'un·e des inculpé·e·s, mais avaient déterminé que l'inculpé·e se déplaçait souvent avec une autre personne, donc ils ont géolocalisé en temps réel le téléphone de l'autre personne afin de localiser l'inculpé·e.
  • Dans un cas, les enquêteurs suivaient l'un·e des inculpé·e·s dans le cadre d'une opération de surveillance physique mais l'ont perdu·e de vue. Dans l'heure suivante, ils ont géolocalisé en temps réel le téléphone de l'inculpé·e pour le/la localiser. Ainsi, une heure après avoir perdu l'inculpé·e de vue, les enquêteurs l'ont retrouvé·e et ont repris l'opération de surveillance physique.
Dispositifs de surveillance cachés
Audio

Un microphone caché a été installé dans le camion où Libre Flot habitait[3]. Quand l'autorisation légale pour installer et utiliser le microphone a expiré après deux mois, le microphone a été désactivé à distance mais pas retiré du camion. Il a été retiré plusieurs mois plus tard lors des perquisitions.

Un autre microphone caché a été installé dans une petite cabane utilisée par certain·e·s des inculpé·e·s.

Localisation

Un dispositif de surveillance par localisation a été caché sur un véhicule utilisé par Libre Flot[3].

Vidéo

Une caméra a été installée près d'une petite cabane utilisée par certain·e·s des inculpé·e·s, pointée sur la cabane[3]. Elle a vraisemblablement été installée à environ 10 mètres de la cabane, sur un tronc d'arbre.

Fabrication de preuves

Les enquêteurs ont mal retranscrit ou déformé certaines conversations obtenues par des interceptions téléphoniques ou des microphones cachés pour les rendre suspectes[5]. Par exemple, le terme « lunettes balistiques » utilisé dans une conversation a été retranscrit en « gilets balistiques » par les services de renseignements, et est devenu « gilets explosifs » dans un rapport des procureurs en charge de l'affaire.

Interprétation biaisée des preuves

L'affaire a été caractérisée par une absence de preuves que les inculpé·e·s planifiaient une attaque spécifique, et s'est à la place construite autour de l'interprétation de preuves circonstancielles. Voici des exemples de cette interprétation[5] :

  • Libre Flot a acquis de l'expérience de combat au Rojava, ce qui a été interprété comme une tentative d'acquérir de l'expérience pour mener des actions en France.
  • Libre Float a volé de l'engrais à un magasin, dans l'intention de l'utiliser pour fabriquer de petits explosifs. Le vol a été interprété comme une tentative d'obtenir de l'engrais sans laisser de traces.
  • À deux reprises, certain·e·s des inculpé·e·s ont fabriqué des petits explosifs à partir de produits d'entretien ou agricoles, et les ont fait exploser dans des zones isolées où les explosions ne feraient pas de dégâts, ce qui a été interprété comme des tests pour de possibles futures attaques (malgré les affirmations des inculpé·e·s qu'iels faisaient ça juste pour s'amuser).
  • Certain·e·s des inculpé·e·s ont fait des parties d'airsoft, qui ont été interprétées comme des entraînements paramilitaires.
  • Des notes manuscrites d'un·e des inculpé·e·s contenaient des termes et phrases comme « armes », « recrutement », « nettoyage ADN », « objet incendiaire » et « est-ce qu’on est prêt à ce qu’un camarade soit blessé ou tué ? », qui ont été interprétées comme révélatrices de la volonté de l'inculpé·e de planifier une attaque en France (malgré les affirmations de l'inculpé·e que les notes parlaient soit d'airsoft soit du Rojava).
  • Dans des conversations privées, certain·e·s des inculpé·e·s ont fait des commentaires légers ou des fanfaronnades comme « j'ai envie de cramer toutes les banques, tous les keufs » et « si un membre des forces de l’ordre était par terre, moi franchement je l'achève », qui ont été interprétés comme révélateurs de leurs intentions violentes.
  • Les inculpé.e.s utilisaient des outils de communication numérique sécurisés, ce qui été interprété comme révélateur de « comportements clandestins ».
Perquisition

Pendant les perquisitions, les enquêteurs ont trouvé des armes à feu et des produits pouvant servir à fabriquer des explosifs[5].

Science forensique
Autres traces physiques

Pendant les perquisitions, plusieurs objets (gazinière, poêles, gants, spatules) ont été analysés pour y chercher des traces de produits pouvant servir à fabriquer des explosifs[5].

Surveillance numérique ciblée
IMSI-catcher

Les enquêteurs ont utilisé un IMSI-catcher lors d'opérations de surveillance physique pour identifier les numéros de téléphone utilisés par certain·e·s des inculpé·e·s[3].

Surveillance physique
Cachée

Pendant plusieurs semaines, les enquêteurs ont placé sous surveillance statique les lieux de vie de certain·e·s des inculpé·e·s et les ont suivi·e·s lorsqu'iels se déplaçaient[3]. Notamment :

  • Quand les enquêteurs surveillaient le lieu de vie d'un·e inculpé·e, ils prenaient en photo toutes les personnes qui entraient ou sortaient du lieu. Si l'inculpé·e partait, iel était suivi soit par les opérateurs de surveillance surveillant le lieu de vie, soit par d'autres opérateurs pour permettre à la surveillance statique de continuer. Si l'inculpé·e partait en véhicule, iel était suivi·e en véhicule.
  • Dans un cas, un·e inculpé·e a été suivi·e dans un magasin, et l'opérateur de surveillance a noté ce qu'iel achetait et l'a pris·e en photo dans le magasin.
Techniques d'interrogatoire

En interrogeant les inculpé·e·s en garde-à-vue, les enquêteurs ont[5] :

  • Prétendu que les inculpé·e·s ne seraient pas poursuivis s'ils dénonçaient les autres inculpé·e·s, ce qui était un mensonge.
  • Menacé un·e des inculpé·e·s d'agression sexuelle.