

Original text in German
Räuber und Gendarm? Eine Geschichte über Ermittlungsmaßnahmen
2025
de.indymedia.org
French translation
sansnom.noblogs.org
Incarcéré·e·s pour avoir publié un journal anarchiste
Dans ce qui suit, nous allons vous parler de la misérable entreprise qui a occupé les services de la Protection de l'État de Munich pendant deux ans : comment diable ont-ils réussi à s'emparer du sang de la compagnonne anarchiste N., afin de prélever son ADN ? La flicaille bavaroise n'a lésiné sur aucune dépense ni effort pour mener à bien cette opération, et certaines des méthodes qu'elle a employé pourraient bien vous intéresser. A la fin du texte, vous trouverez en outre une liste de mesures d'investigation supplémentaires utilisées par la police munichoise au cours de cette enquête.
Récemment, le 26 février 2025, la compagnonne anarchiste N. ainsi que le compagnon anarchiste M. ont été arrêté·e·s. Le mandat d'arrêt initial a été émis avec l'accusation d'association de malfaiteurs, pour avoir publié (avec une autre personne) l'hebdomadaire anarchiste Zündlumpen.
Plus de détails sur ces accusations se trouvent ici.
Qu'est-ce que la police ?
On pourrait dire que la police n'est rien d'autre qu'une force militaire d'occupation permanente sur un territoire particulier, qui tente également de projeter sa puissance à travers l'espace (et le temps) au moyen d'outils technologiques. Nos chers inspecteurs Obermaiers, Findeisens, Unglaubs et Rinds l'ont parfaitement compris, en participant au groupe de lecture dénommé « EG Schrift » [« Groupe d'enquête spécial Écriture »], qui a certainement été instructif pour eux. Mais il n'y a probablement personne qui ait mieux assimilé cette question au point d'avoir réussi à berner pendant des années des escouades entières de flics, que les célèbres « héros populaires » bavarois. Tous des voleurs et des braconniers, comme le bavarois Hiasl ou le brigand Kneißl, et sans oublier tous les paysans déserteurs lors des premiers soulèvements révolutionnaires contre les autorités (bavaroises). Pourtant, il n'y a pas que ces personnages célèbres d'une époque depuis longtemps oubliée, mais aussi d'innombrables individus du présent qui parviennent encore à échapper aux griffes des sbires de la dynastie bavaroise (renouvelée), en les exposant plus ou moins impitoyablement à la risée publique.
Parce que nous pensons qu'il vaut la peine de garder en mémoire les moments plus modestes, presque quotidiens, de cette confrontation éternellement antagoniste entre l'autorité et les individus rebelles, nous allons reconstituer ici un tel moment, à partir des dossiers de police de la procédure dite « Zündlumpen », pour toutes celles et ceux qui, comme nous, aiment voir les flics se faire déjouer, même si à la fin la balance semble avoir penché en faveur du pouvoir étatique.
Gendarmes et voleurs ?
Nous sommes en 2022 à Munich et dans ses environs. Par une grise matinée de printemps, les flics prennent d'assaut quatre appartements où habitent des anarchistes, ainsi que trois caves, plus une imprimerie et la bibliothèque anarchiste Frevel. Ils recherchent trois personnes et toutes sortes de documents papier. L'accusation est celle d'une organisation criminelle, puisque la rédaction de l'hebdomadaire anarchiste Zündlumpen, selon le parquet bavarois, entre dans cette catégorie. Ils arrêtent deux des personnes recherchées et devront traquer la troisième pendant près de deux ans. Car c'est du sang qu'ils veulent, ces larbins d'État, au moins sous forme d'ADN. Bien sûr, on ne peut pas accepter de son plein gré une telle attaque. Ainsi, le fait que la personne recherchée, appelons-la N., ne donne pas suite à une invitation pour un prélèvement d'ADN « non bureaucratique », n'a probablement pas étonné les limiers du parquet antiterroriste. La tentative d'éviter le prélèvement d'ADN par voie juridique peut paraître plus surprenante, mais on peut toujours tenter le coup !
Autre surprise : les policiers ont apparemment attendu de voir le résultat de cette tentative, avant de pouvoir lancer la chasse que les chiens enchaînés attendaient depuis longtemps. Ils ont d'abord tenté la solution la plus économique : envoyer des collègues du comico le plus proche passer devant l'appartement de N. une fois par nuit, à des heures irrégulières. Ils devaient par exemple vérifier la présence de N. en fonction de celle de sa voiture. Sans succès, puisque la voiture n'était pas garée devant l'appartement. Les patrouilles ne sont cependant pas passées inaperçues. Pas étonnant, puisque ce sont des patrouilles.
Tentative suivante : les agents de la Protection de l'État (Staatsschutz) sonnent simplement à la porte. Personne ne leur ouvre. Ils auraient bien voulu entrer par effraction, mais ils manquent de pratique. A la place — cela n'a de sens que dans le cerveau d'un flic : perquisition du logement voisin ! N. ne s'y trouve pas. Alors ils reviennent. Les agents de la Protection de l'État sont cette fois accompagnés du propriétaire. Il leur ouvre la porte, mais N. n'est pas là. Ils restent toutefois en contact avec le propriétaire désireux de coopérer, qui balancera consciencieusement et régulièrement aux flics les heures de présence (observées) de N., et recueillera également lui-même des informations auprès des voisins, puis les transmettra à la police. Mais cela n'aboutit pas non plus.
Les flics se doutent que N. doit avoir d'autres point de chute, et comme, dans le cadre des enquêtes précédentes, ils ont déjà analysé les mouvements des comptes bancaires de N. et tous les virements des 8 dernières années (!), ils demandent à toutes les sociétés de vente par correspondance possibles si de nouvelles adresses de livraison pour N. y sont connues. De manière routinière, une demande est également lancée chez des entreprises comme PayPal, Ebay et autres pour savoir si N. aurait un compte chez elles, et si oui, quelles sont les adresses de contact enregistrées. La Deutsche Bahn [entreprise ferroviaire publique allemande] et FlixBus sont également sollicitées pour fournir des informations sur les habitudes de voyage de N. et, bien sûr, des recherches à l'échelle de l'espace Schengen avaient déjà été lancées contre N. et son compagnon présumé (que les flics recherchent officiellement à l'échelle nationale en raison d'une amende impayée de 10 euros et pour n'avoir pas effectué une peine de substitution à cet impayé).
Un policier un peu futé a également eu l'idée de demander les listes de participants aux cours de l'ancienne école professionnelle de N., probablement pour clarifier ses éventuelles personnes-contact ; une demande officielle à laquelle ils ont pris la précaution de donner du poids en y adjoignant un mandat de perquisition et une lettre du procureur antiterroriste (« Office central de lutte contre l'extrémisme et le terrorisme », peut-on lire sur l'en-tête de la lettre, de manière non dissimulée et apparemment volontairement intimidante).
Mais tout cela n'a pas apporté les éclairages nécessaires.
Tentative suivante : ZKÜ, c'est-à-dire surveillance de l'utilisation des cartes de paiement aux distributeurs automatiques de billets, etc. Une surveillance des télécommunications déjà en cours à ce moment-là a d'ailleurs échoué parce que le téléphone portable surveillé n'était pas utilisé. En revanche, ils espéraient qu'en surveillant sa carte bancaire, les retraits réguliers d'espèces de N. (constatés sur les relevés de compte) pourraient être exploités de manière fructueuse pour l'enquête. Une lettre a donc été envoyée à la banque, avec en en-tête la mention discrète « Office central de lutte contre l'extrémisme et le terrorisme ». Elle stipule que la police doit être alertée chaque fois que la carte bancaire de N. est utilisée, et ce en temps réel. Il serait en outre utile que la banque restreigne les possibilités d'opérations en ligne, et qu'elle ne ferme le compte de N. qu'une fois l'enquête couronnée de succès, ajoutent les flics de manière joviale.
Les enquêteurs ont alors tenté d'établir des schémas de retraits d'argent liquide afin d'intercepter N., mais en vain. Qui plus est, les patrouilles envoyées dans les agences bancaires étaient apparemment toujours trop lentes, et n'ont jamais réussi à mettre la main sur N.
Les enquêteurs ont donc à nouveau écrit à la banque, cette fois en lui demandant s'il était possible de réduire le montant autorisé des retraits, dans l'espoir de contraindre N. à se rendre au guichet et gagner ainsi plus de temps de leur côté pour tenter une arrestation dans l'agence. La banque a coopéré, mais N. a senti le piège et a réaugmenté le montant possible des retraits — via l'interface bancaire en ligne. C'est d'ailleurs parce que cela a marché, que ses soupçons ont été endormis. Mais cela n'a pas pour autant aidé les flics.
Pendant ce temps, ces derniers s'occupent aussi de couper les vivres à N. N. perçoit en effet une allocation sociale régulière de l'État, appelée « Bürgergeld » [allocation destinée aux plus pauvres]. Les limiers se présentent donc au Jobcenter [équivalent de Pôle Emploi] et veillent à ce que l'aide sociale de N. ne soit pas prolongée. En utilisant un prétexte, bien sûr, comme ils le notent allègrement dans leur dossier. Mais cela signifie aussi — on se demande si ces petits malins en ont tenu compte — qu'il y a une raison de moins pour N. d'aller à la banque, puisqu'il n'y a plus rien à retirer sur son compte.
Il est alors temps pour les flics de passer au coup suivant : surveiller les télécommunications des parents de N. Dans un monde aussi saturé technologiquement que le nôtre, il s'agit d'un moyen puissant pour infiltrer les relations entre les gens. De nos jours, ce dont deux personnes discutent peut facilement être écouté par les voyeurs professionnels et les informateurs mandatés par l'État. Et même si l'on évite soi-même ces moyens de communication technologiques, on peut rarement être sûr que l'ensemble de nos contacts évite de parler de nous dans le cadre de ces relations médiées, et ne dévoile les détails les plus intimes de notre vie.
Cependant, les chiens libérés de leurs chaînes vont encore rencontrer des difficultés : à cause de l'enregistrement du numéro de téléphone portable de la mère de N. avec le nom orthographié à l'envers — ou s'agissait-il simplement d'une virgule ? — il faudra utiliser un autre gadget technique pour détecter sa ligne : l'IMSI-Catcher. Une fois au domicile de la mère de N., la deuxième fois sur son lieu de travail. Et voilà : le croisement de ces deux missions a permis de mettre en place la surveillance. Un simple coup d'œil dans l'annuaire téléphonique aurait pu suffire.
Désormais, les policiers écouteront les conversations entre la mère de N. et tous ses contacts possibles. Une fois, ils extraient d'une conversation entre elle et une amie l'information selon laquelle N. passerait souvent la nuit en forêt. Il est également prévu que N. rende visite à ses parents à Noël. Donc, une fois de plus, la police effectuera des heures supplémentaires pendant les vacances.
Le MEK [Mobiles Einsatzkommando, forces spéciales de la police allemande] sera alors posté devant l'appartement des parents de N., et observera ensuite N. en partance vers une nouvelle résidence temporaire. Que dire, sinon que le point revient aux flics sur ce coup-là. Ils se sentent forts. S'ensuivent des surveillances les troisième, quatrième, cinquième, sixième jours, etc. Il n'y a cependant pas d'intervention. Mais le quinzième jour, N. échappe aux observateurs et reste introuvable. Quelle malchance ! Ou bien ont-ils misé trop gros au poker ?
Puis la police misera délibérément sur le hasard, qu'elle tentera de systématiser avec des patrouilles routinières et constantes, etc. Car on sait, au moins chez les dirigeants de cette association, que le quotidien bureaucratique des fonctionnaires, mais surtout l'unidimensionnalité de la pensée exigée lors de l'embauche, fait disparaître tout éclair personnel et tout génie inquisitorial, et que sans cette multiplication institutionnalisée de hasards, il n'y aurait guère plus qu'une poignée de succès policiers à enregistrer. C'est ainsi qu'en février 2024, un tel hasard s'est produit dans notre histoire : un agent de la Protection de l'État — d'où vient-il ? — reconnaît N. dans la rue et envoie une patrouille pour effectuer un contrôle. S'ensuit une tentative de fuite qui échoue malheureusement. C'est ainsi qu'au bout de deux ans, les chasseurs ont obtenu leur sang, ou plutôt, dans ce cas, un liquide corporel un peu plus vulgaire : la salive.
Comment mettre la main sur les scribes ?
Voici d'autres pistes suivies par les enquêteurs après les perquisitions de 2022 dans le cadre de la procédure contre le journal Zündlumpen :
- Des lettres privées trouvées en perquisition ont été analysées par des experts et comparées au style d'écriture de Zündlumpen.
- Les exemplaires récupérés des éditions Zündlumpen ont été analysés pour déterminer leur méthode d'impression.
- Les propriétair·e·s, les habitant·e·s et les concierges ont été interrogé·e·s pour savoir qui utilisait quels endroits, comment, et si quelque chose avait été remarqué (tout en leur suggérant en même temps de virer les anarchistes indésirables ?)
- Des relevés de compte remontant jusqu'à huit ans en arrière ont été analysés pour voir si du matériel d'impression ou même éventuellement de la littérature anarchiste avaient été achetés. Ou s'il s'était passé quelque chose de bizarre sur le compte…
- D'anciens employeurs ont été contactés afin d'obtenir, si possible, des échantillons de textes pour les comparer.
- Tentative de censurer les numéros de Zündlumpen archivés sur archive.org (!) et d'interroger le site web pour obtenir des informations (sans succès).
- Élaboration d'une caractérisation des accusés, sous le titre « Pensée idéologique et vie anarchiste ».
- Examen de traces ADN ainsi que d'empreintes digitales sur des pièces à conviction telles que des brochures/livres, des portes, des tasses, des machines à imprimer et bien d'autres choses encore…
- Analyses d'écritures pour comparer des textes privés avec des lettres pseudonymisées.
- Comparaisons de textes et d'images entre des textes et des images trouvés en perquisition et des textes et images parus dans le journal Zündlumpen.
- Analyse de contenu pour savoir si des textes privés coïncideraient avec des textes parus dans le journal Zündlumpen et pourraient fournir des indices sur la qualité d'auteur·e.
- Analyses générales du contenu et de l'« idéologie » des textes, journaux, brochures, etc. trouvés (au total, des centaines de brochures et de journaux ont été saisis).
- Analyses des métadonnées des images trouvées.
- Chaque fois que cela est possible, une « procédure annexe » est engagée pour les découvertes dites « fortuites ».
Mise à jour et solidarité
Depuis bientôt un mois, les anarchistes N. et M. sont incarcéré·e·s, accusé·e·s d'avoir créé le journal anarchiste Zündlumpen en tant qu'association de malfaiteurs (avec une autre personne). N. est incarcérée à la prison pour femmes d'Aichach (près d'Augsbourg), M. est toujours incarcéré à Stadelheim. N. n'a toujours pas été autorisée à porter des vêtements privés et doit continuer à porter l'uniforme de la taule, alors que M. peut déjà porter des vêtements privés dans la prison pour hommes de Stadelheim. Le transfert de la compagnonne anarchiste N. vers une prison de province [Augsbourg est à 80 kilomètres de Munich] est une mesure de répression supplémentaire, car elle est désormais encore plus éloignée et isolée, et les visites de ses proches sont d'autant plus compliquées.
Un réexamen de l'incarcération de M. vient d'avoir lieu, au cours duquel sa détention provisoire a malheureusement été prolongée. L'examen de la détention de N. suivra prochainement.
Jusqu'à présent, nous avons peu de nouvelles et d'informations sur les conditions de détention de N. et M., car les restrictions dans les prisons bavaroises sont particulièrement répressives.
Il est donc d'autant plus important que vous manifestiez votre solidarité !
Si vous voulez écrire des lettres, écrivez à solidaritaet-mit-n-und-m [at] riseup.net et nous vous communiquerons leur adresse.